Fresques: Technique et Formation

« J’aime les fresques. J’aime les images nourries d’éléments géologiques. Les rejoindre a toujours été une manière de cheminer avec la nature: les arbres poussent et moi aussi j’ai l’impression de pousser graduellement. J’ai appris , en sachant que le regard est nourriture, que regarder, c’est se rendre muet. L’image ne tend plus de pièges pour des envols vers un ailleurs ; elle nous atteint comme un organisme d’une rigoureuse gravité. De sorte qu’elle est de nouveau un «ici», une clarté ».
                                                          Guiseppe Caccavale

Le dessin, le calque et son report

En amont de la préparation du mur et des enduits le fresquiste aura préparé
 – la maquette de couleur
 – le carton (dessin sur papier grandeur nature)
 – le poncif (dessin sur calque grandeur nature)
 – puis le broyage des couleurs.
Voici les deux procédés pour reporter le dessin sur l’intonaco :
Le report gravé consiste à laisser une empreinte dans l’enduit frais en calquant le dessin du poncif à l’aide d’un stylet en bois.
Le second procédé consiste à tamponner le poncif dont les lignes ont étés trouées avec une pointe fine en acier, avec un tampon dit poncette, rempli de poudre jaune, rouge, verte ou noire suivant les cas.

Le mot fresque est tiré de l’italien « frais», qui fait partie de la locution dipingere a fresco, peindre sur un enduit frais. La fresque est une technique de peinture murale exécutée sur un enduit frais, constitué de chaux éteinte (hydroxyde de calcium et de sable de rivière. Cet enduit, l’intonaco, est lui-même appliqué sur un crépi l’arriccio, ou parfois directement sur le mur. Les couleurs utilisées sont des pigments compatibles avec la chaux simplement délayés dans de l’eau pure. La fresque se différencie de toutes les autres techniques de peinture murale, la peinture à détrempe, la tempera, la peinture à l’huile, à l’encaustique ou à l’acrylique.
Cette technique appelée buon fresco n’a pas toujours été utilisée au cours des âges en raison des difficultés que présente ce procédé. Bien des variantes ont été pratiquées.
Dans l’exécution d’une fresque quatre opérations essentielles sont nécessaires:
 – la fabrication de la chaux
 – la préparation du mur et des différents enduits
 – le dessin, le calque et son repas
 – la peinture elle-même

La fabrication de la chaux

Prenons une pierre calcaire que nous allons chauffer dans un four à 950 degrés.
La chaleur va libérer le gaz carbonique contenu dans cette pierre. Celle-ci va alors devenir de l’oxyde de calcium ou chaux vive. Si l’on mouille cette chaux vive, elle éclate et se réduit en pâte avec un fort dégagement de chaleur pour donner de l’hydroxyde de calcium ou chaud éteinte. Cette
pâte pourra se conserver pendant longtemps si on la met à l’abri de l’air.

La préparation du mur et les différents enduits

La chaux éteinte mélangée avec un sable de rivière sec, propre et de différentes grosseurs, sert à préparer l’arriccio et l’intonaco qui seront déposés l’un après l’autre dans la proportion de 1 pour deux pour l’arriccio et de 1 pour 1 pour l’intonaco, sur un mur parfaitement nettoyé et abondamment arrosé. La solidité d’une fresque dépend d’un mur sain, sans salpêtre. La pierre et la brique sont les meilleurs supports. Dès que les différents enduits sont posés, il faudra que tu sois prêt pour commencer le report de dessin sur le dernier enduit encore frais et la mise en peinture: chaque opération prépare l’étape suivante.

La peinture

Pour la mise en couleurs, qui doit se limiter à des pigments compatibles avec la chaux, on utilise des terres naturelles et des silicates à base d’oxyde métallique. Parmi ces couleurs, les plus stables sont tous les ocres (jaunes, rouges), et toutes les terres (de Sienne, d’ombre ou vertes).
On peut élargir la palette avec d’autres oxydes : cobalt, cuivre, cadmium et chrome. On utilise le blanc appelé blanc de Saint-Jean obtenu à partir de la chaux séchée en plusieurs fois, après l’avoir délayée dans l’eau et broyée à nouveau.
La peinture doit être réalisée sur l’enduit encore frais et doit s’effectuer rapidement, le peintre est adroit et précis, chaque erreur est le plus souvent irréparable. Ce procédé ne permet pas de faire de grandes surfaces au départ et l’artiste doit prévoir la quantité suffisante à une journée de travail ,cette surface est appelée giornata.
La peinture est le plus généralement commencée en haut à droite de la surface peinte afin que les coulures et les éclaboussures ne détériorent pas le travail déjà effectué. Après séchage, la fixation des couleurs sur l’enduit devient définitive. Celle-ci se produit grâce à la carbonatation de l’hydrate de calcium contenu dans l’enduit qui migre en surface, enrobant au passage les pigments et formant un film transparent protecteur. C’est l’hydroxyde de calcium
qui provoque ce processus : il réagit au contact de l’air avec l’anhydride carbonique, pour former le carbonate de calcium ; celui-ci n’est autre que
cette pierre calcaire que nous avions introduite dans le four à chaux au début du processus.

Ainsi, le feu pour cuire la pierre, l’eau pour éteindre la chaux et le contact de l’air sur la chaux éteinte transmutent la pierre calcaire brute en une pierre calcaire peinte. Et le mur peint devient, par la magie de ce cycle alchimique, partie intégrante de l’architecture.

Tiré pour l’essentiel du livre de Giuseppe Caccavale : Fresques Affreschi

Photos prises à l’occasion de stages de formation animés par Flore Angèle